Le feuilleton de la mélatonine continue. De nombreux démêlés judiciaires ont jusqu'ici opposé les industriels au ministère de la Santé : ils ont fini par aboutir à un match nul, suite à une décision du conseil d'État en mars dernier qui annulait la dose d'exonération à 1 mg de cette molécule et la rétablissait de fait à 2 mg. Rappelons qu'un seul médicament existe actuellement sur le marché – le Circadin, dosé à 2 mg –, tous les autres produits étant classés comme compléments alimentaires. Ceci explique que c'est l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) et non l'Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM) qui s'est saisie du sujet, dans un avis plutôt drastique publié le 11 avril. En effet, l'Anses déconseille tout simplement la molécule à de très nombreux patients : « les femmes enceintes et allaitantes, les enfants et les adolescents, les personnes souffrant de maladies inflammatoires, auto-immunes, d’épilepsie, d’asthme, de troubles de l’humeur, du comportement ou de la personnalité », ainsi que, last but not least, les personnes « suivant un traitement médicamenteux ». Pour les autres, la prise doit être restreinte à un « usage ponctuel » et « ne pas dépasser la dose de 2 mg par jour ».
1,4 million de boîtes par an
Il faut dire que l'Anses avait au moins 90 raisons de s'inquiéter, soit le nombre de déclarations d'effets indésirables (troubles de la mémoire, tremblements, tachycardie…) récoltées entre 2009 et 2017, dont 17 sont liées de façon « vraisemblable » ou « possible » à la prise de mélatonine. L'Anses précise que 1,4 million de boîtes de mélatonine sont vendues tous les ans en France, un marché de surcroît particulièrement dynamique en officine. Faut-il diminuer la dose d'exonération de façon drastique ? L'Anses, dont l'avis n'est que consultatif, le dit à demi-mot : « On ne sait pas très bien ce qui se passe entre 0,5 et 1,9 mg, ces données nous ont manqué pendant notre expertise. »
L'application stricte du principe de précaution ferait donc pencher la balance vers une dose d'exonération à 0,5 mg, ce qui repousserait du marché de nombreux compléments alimentaires. La balle est maintenant dans deux camps distincts : la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) en charge des compléments alimentaires d'une part et la direction générale de la santé (DGS) de l'autre, seule capable de décider d'une mise sous prescription. Cette dernière indique avoir « engagé une réflexion, en lien avec l’ANSM, sur les conséquences pratiques à tirer de cet avis de l’Anses ». Le feuilleton n'est donc pas terminé !