Sans grande surprise, l'avis de l'Autorité de la concurrence « relatif au secteur du médicament en ville et de la biologie médicale privée » publié le 4 avril contient un ensemble de recommandations dont la plupart fait déjà bondir la profession, Ordre et syndicats en tête. Considérant que « le cadre législatif et réglementaire applicable aux pharmaciens [...] bride excessivement, sur certains points identifiés, leurs capacités de développement », l'Autorité propose donc plusieurs réformes dont certaines s'attaquent frontalement aux règles actuelles de répartition du capital des officines ainsi qu'au monopole de dispensation des médicaments à prescription médicale facultative (PMF).
Quatre degrés d'ouverture
Estimant que le cadre actuel est trop restrictif et « paraît ne plus pouvoir répondre aux besoins de financement de certains pharmaciens », l'Autorité plaide pour un « assouplissement encadré des règles de détention du capital des officines » et propose aux pouvoirs publics quatre « options graduées » qui vont de l'augmentation du nombre de participations minoritaires de pharmaciens à l'ouverture du capital à des investisseurs extérieurs majoritaires. Même si la présidente de l'institution, Isabelle de Silva, considère ce dernier scénario comme n'étant « pas le plus probable à ce stade », toute possibilité offerte à des investisseurs extérieurs de prendre des participations dans des officines, aussi minoritaires soient-elles, est d'ores et déjà considérée par la profession comme une façon d'ouvrir la boîte de Pandore et de déstabiliser à terme toute la structure du réseau officinal au détriment des pharmaciens, mais également des patients.
La GMS en embuscade
Ainsi qu'elle l'avait déjà préconisé dans son avis rendu en 2013, l'Autorité de la concurrence recommande d'« assouplir partiellement et de manière strictement encadrée le monopole officinal pour autoriser la dispensation de médicaments en parapharmacies et en grandes surfaces ». Bien que réaffirmant « la pleine justification du monopole pharmaceutique », elle imagine cependant qu'il serait désormais souhaitable que les médicaments à PMF, les dispositifs médicaux in vitro, certaines plantes médicinales et certaines huiles essentielles, jusque-là réservées à la vente en officine, puissent désormais être dispensés en grandes et moyennes surfaces (GMS) ou en parapharmacies. Si le cadre prévoyant que cette délivrance se fasse « sous la responsabilité d'un pharmacien diplômé » et dans « un espace dédié » ne risque pas de rassurer les officinaux, la prise de position de la ministre de la Santé au lendemain de la sortie de l'avis devrait quelque peu les rasséréner. Estimant au micro d'Europe 1 que cette mesure risquerait de « fragiliser les petites pharmacies », Agnès Buzyn l'a même qualifiée de « très mauvaise idée [et de] très mauvais signal » tout en rappelant qu'elle trouvait « problématique » que l'on puisse considérer que « les médicaments, ça s'achète comme n'importe quel produit de consommation alimentaire ». Dont acte.