Le spectre du tirage au sort des étudiants franciliens en première année commune aux études de santé (Paces) semble s'éloigner. Mais pour combien de temps ? Cette solution qui revenait à limiter à 7 500 étudiants l’effectif de la Paces a été sérieusement envisagée par le rectorat de Paris, selon des informations parues dans Le Monde les 5 et 6 mai, pour faire face au nombre croissant de candidats et à la capacité d'accueil limitée des universités franciliennes. Du moins pendant vingt-quatre heures.
Car la décision a suscité un tel tollé auprès des associations étudiantes (Union nationale des étudiants de France et Union nationale inter-universitaire) et lycéennes (Fédération indépendante et démocratique lycéenne) que le ministère de l'Enseignement supérieur a rapidement réagi : « Je ferais tout pour que le tirage au sort pour accéder en première année de médecine n’existe jamais : il n’y a pas plus stupide comme moyen de sélection, surtout pour accéder à des filières très sélectives », a déclaré le secrétaire d'État Thierry Mandon le 5 mai dans Libération.
D'autres filières concernées
Le tirage au sort n'est pas un nouvel outil. Cette pratique, qui est « l'une des formes d'affectation sur critères existante quand il n'y a pas d'autre possibilité de choisir des étudiants » est même « fréquente » dans des filières comme les sciences et techniques des activités physiques et sportives (Staps), plus occasionnelle dans des filières comme droit ou psycho, indique un connaisseur des rouages de l'Enseignement supérieur. Elle est utilisée quand la capacité d'accueil d'une université est atteinte, notamment pour des raisons de sécurité comme l'explique sur Europe 1 Frédéric Dardel, président de l'Université Paris-Descartes, qui a « fermé les inscriptions à 1 450 bacheliers » l'an dernier, mais aussi quand il faut faire face à des questions aussi prosaïques que le manque de chaises... Toutefois les dossiers « refusés » ne sont pas jetés aux oubliettes : les étudiants sont réaffectés, en fonction des choix qu'ils ont formulés lors de la pré-inscription, soit dans des universités différentes, soit dans des filières différentes.
Dans le cas de la Paces, les années précédentes, « les problèmes d'affectation n'ont concerné que quelques dizaines d'étudiants pour la totalité du territoire sur les dizaines de milliers inscrits », précise encore notre connaisseur du système. Et le tirage au sort, pourtant déjà brièvement évoqué l'an passé, n'y aurait encore jamais été utilisé. Alors que la pratique est d'usage en médecine dans d'autres pays européens, reste que son fondement juridique en droit français est pour le moins incertain. Selon Le Canard enchaîné du 11 mai, un jugement du tribunal administratif de Nantes a établi en 2013 qu'un recteur ne pouvait « refuser d'inscrire en Staps un lycéen ayant échoué au tirage au sort [...] puisqu'aucun texte ne fondait en droit cette pratique limite ».
Réformer la Paces
La mesure n'est en tout cas pas du goût de la présidente de la conférence nationale des doyens de pharmacie, Macha Woronoff, qui se dit « complètement opposée à ce type de solution radicale. Cela veut bien dire que la Paces […] n'est pas adaptée. Elle soulève également un problème d'orientation : on envoie en Paces des lycéens qui ont peu de chances de réussir et vont s'y fourvoyer ». Aussi, pour repousser définitivement la perspective d'un tirage au sort, appelle-t-elle à la « réformer en urgence ». À l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), le vice-président en charge du tutorat et de la promotion des études pharmaceutiques, Guillaume Icher, démonte lui aussi l’idée : « Bloquer des gens qui ont la vocation de la profession, avant même le passage du concours est totalement inégalitaire et dangereux. »
Dominique Porquet, responsable de la communication de la conférence des doyens, reconnaît également une « impasse » puisqu'il n'y a pas de raison que le nombre d'inscriptions en Paces diminue à l'avenir. Mais il voit aussi dans le tirage au sort une « menace brandie » pour inciter les universités à mettre en place des expérimentations sur les modes de sélection qu'elles souhaitent instituer. Et de citer celle menée à Nantes, où il a été mis fin à la possibilité de redoubler la première année. Plus de problèmes de places, par conséquent.
La polémique n'est donc pas close. Toujours selon Le Monde, le ministère a précisé que « l'arme [le tirage au sort, NDLR] n’aurait été dégainée qu’en cas d’explosion du nombre de candidatures ». Or si cette année, le nombre d'élèves de terminale qui ont choisi médecine en premier vœu devrait s'élever seulement à 7 700, alors qu'ils étaient plus de 8 100 en 2015, bien malin qui saura prédire le nombre de candidats en 2017.