Les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) cachent parfois quelques surprises. C'est ainsi que dans celui qui attend d'être examiné au Sénat, au milieu d'un article visant à mieux encadrer la promotion et la publicité des dispositifs médicaux, trône une mesure hors de propos mais non moins intéressante : lorsqu'un produit « présente un intérêt particulier pour la santé publique, un impact financier pour les dépenses d'assurance maladie ou un risque de mésusage », il pourrait être demandé au prescripteur de renseigner à même l'ordonnance des « éléments relatifs aux circonstances et aux indications de la prescription » pour que le produit puisse être pris en charge. Et cette mesure ne s'arrête pas là : dans des conditions qui restent à préciser, ces éléments devront être transmis au service du contrôle médical par le prescripteur ou le pharmacien et tout manquement à ces nouvelles obligations entraînerait un recouvrement de l'indu, soit auprès du prescripteur, soit auprès du pharmacien…
Quid du secret médical ?
La Fédération des médecins de France (FMF) a réagi le 7 novembre, craignant que cet article 40 n'« écorne le secret médical ». Des amendements visant à supprimer cette disposition pour cette même raison ont été rejetés lors des débats à l'Assemblée nationale. Explication de la ministre de la Santé Agnès Buzyn : « Cette pratique a déjà cours à l'hôpital. Lorsque vous prescrivez un médicament extrêmement onéreux, vous devez préciser à la pharmacie de l'hôpital la raison pour laquelle vous le faites. Pourquoi, dès lors, cela ne se ferait-il pas en ville ? Enfin, les personnes qui liront l'ordonnance – je pense notamment aux pharmaciens – seront soumises au secret médical. »
Substitution aux ordonnances d'exception
Concrètement, le rapporteur général de la commission des affaires sociales Olivier Véran a cité deux exemples d'application de cet article : « Un médecin prescrit un pansement spécifique : il vaut mieux que [celui] qui sera délivré par le pharmacien soit adapté aux besoins du patient. Second exemple, le médecin fait une prescription d'antibiotique qui sort de l'ordinaire : s'il a pratiqué un test rapide d'orientation diagnostique (Trod), il le précise, indiquant qu'il a détecté tel germe et que c'est la raison pour laquelle il prescrit tel antibiotique. » Le secrétaire de la commission des affaires sociales Julien Borowczyk pense, lui, « aussi aux prescriptions hors autorisation de mise sur le marché ». Agnès Buzyn précise qu'« il s'agit d'un dispositif d'exception qui pourra, dans certains cas, se substituer aux ordonnances d'exception ». En attendant de connaître les molécules concernées, si la mesure était entérinée, ce serait au pharmacien d'officine de jouer au gendarme pour le compte de l'Assurance maladie...