C’était prévisible mais ce n’en est pas moins insupportable. La Cour des comptes nous a, au fil des années, habitués à ses jugements à l’emporte-pièce et à ses sentences définitives sur le réseau officinal, sans jamais tenir compte de la réalité de nos entreprises et encore moins de celle de nos patients. Mais, cette année, les « sages » de la rue Cambon ont dépassé les bornes.
Voyez un peu : dans leur dernier rapport sur la Sécurité sociale, ces grands comptables proposent tout bonnement la disparition de plus de 10 000 officines en France. Ou plutôt 10 435 pour citer à l’unité près le produit de la bête règle de trois à laquelle s’est livrée la Cour des comptes. En plus de cette diminution drastique du nombre d’officines, l’institution recommande pêle-mêle, comme si ce n’était pas suffisant, l’annulation des avantages de rémunération sur les génériques, le passage de l’OTC en grande distribution ou l’ouverture du capital à des non-pharmaciens.
« Cette année,
les “sages” de la
rue Cambon ont
dépassé les bornes. »
En des termes, certes, choisis – il faudrait remplacer le « monopole officinal » par un « monopole du pharmacien, le cas échéant salarié » – mais qui n’en restent pas moins glaçants pour les professionnels de santé que nous sommes. Et, puisqu’il faut bien sauver les apparences du système de santé, la Cour propose des « aides spécifiques » à 400 ou 500 pharmacies « qui jouent un rôle stratégique en matière de santé ». Fermer 10 000 pas de porte pour maintenir artificiellement la tête de quelques centaines au-dessus de l’eau à coups de subventions, qui seront très certainement dénoncées dans un prochain rapport… Allez expliquer cela à une personne âgée qui verra son officine de proximité fermer pour être transférée, après regroupement, à plusieurs dizaines de kilomètres de son domicile. Vous le savez, je le sais, les Français le savent : c’est du grand n’importe quoi ! Ne vous méprenez pas : nous nous attendions à cette avalanche d’avanies, elles sont même habituelles de la part des grands serviteurs de l’État que sont la Cour des comptes ou l’Inspection des finances. Rappelez-vous 2014 et la mobilisation contre le rapport sur les professions réglementées… Mais, à une époque où la profession prend son destin en main en s’investissant dans les nouvelles missions et en mettant en place des honoraires décorrélés du prix des boîtes, cette litanie de propositions nous scandalise. Mon regard se tourne maintenant vers le ministère de la Santé et l’Élysée, qui devront prendre des positions fortes pour défendre l’accès aux soins des Français… et nos officines.