Le DP est-il utile ? Le DP permet-il de sauver des vies ? À ces deux questions, la présidente de l’Ordre des pharmaciens Isabelle Adenot a répondu oui le 7 décembre dernier lors de la présentation des résultats préliminaires de deux études universitaires, l’une portant sur les interventions pharmaceutiques (IP) au sens large, nommée Dopi-Offi, l’autre sur les IP en automédication. C’est la première fois que deux études – financées par l’Ordre mais « indépendantes » – se penchent sur l’utilisation quotidienne du DP et son intérêt dans les IP. Pour rappel, une IP est une modification de la prise en charge du patient à l’initiative du pharmacien. Sur 7 320 IP recensées, les plus fréquentes, selon Dopi-Offi, font ainsi suite à une prescription non conforme (30,8 % des cas), un médicament ou dispositif « non reçu » par le patient (28,3 %), par exemple en cas d'indisponibilité ou de non-observance, ou un problème de posologie (16,5 %). Une fois sur deux, le pharmacien a appelé le prescripteur et, chiffre encourageant, le médecin a accepté sa proposition dans 92 % des cas. Quant au DP, il a été utile à l’analyse dans 119 cas (3,5 % des IP), exclusivement pour des patients de passage – jusqu'ici inconnus au bataillon – ou des patients réguliers, c’est-à-dire fréquentant plus de une officine. Pour des patients fidèles, la base de données de l’officine suffit. Les patients de passage, un sur sept dans les officines étudiées dans Dopi-Offi, sont en effet le cœur de cible du DP, puisqu’il permet de retracer les dispensations dans les autres officines… pour peu qu’un DP ait été ouvert. Ce qui est le cas de un patient sur deux.
Des millions d’IP
La seconde étude, baptisée « Interventions pharmaceutiques à propos du dossier pharmaceutique » ou Ipadam, a porté sur les IP dans la délivrance d’ibuprofène et/ou de pseudoéphédrine sur deux périodes de une semaine en février et avril 2014. Sur les 12 160 dispensations analysées, 815 ont fait l’objet d’une IP de la part du pharmacien – une contre-indication ayant par exemple mené à changer de molécule ou à moduler les doses –, IP décidée suite à une discussion entre le patient et le pharmacien dans 75 % des cas. Le DP a été utile dans 10 % des cas. À noter que dans un cas sur deux, le DP n’a pu être consulté par le pharmacien, le patient ne disposant pas de sa carte Vitale. Au-delà de ces données sur l’utilisation du DP, les études permettent de quantifier le rôle du pharmacien. Au petit jeu des extrapolations, Pierrick Bedouch, maître de conférences à la faculté de pharmacie de Grenoble et instigateur de Dopi-Offi, estime à « 5,6 millions » le nombre d’IP réalisées tous les ans sur les médicaments de prescription. Ce chiffre se monte à « 2 millions » d’IP au niveau national uniquement sur l’ibuprofène et le paracétamol, à en croire Brigitte Vennat, doyenne de la faculté de pharmacie de Clermont-Ferrand et responsable de l’étude Ipadam.