Quand, en septembre 2014, plus de neuf pharmaciens sur dix s’étaient mobilisés pour protester contre la loi Macron, on a vu quelques sourcils se lever du côté des politiques. Comment ? Des pharmaciens dans la rue ? Une profession habituellement si policée, pas un mot plus haut que l’autre… Et pourtant !
Pour la première fois alors, le regard de nos dirigeants a changé : non, notre silence n’était pas l’expression d’une satisfaction tranquille mais celle d’une politesse un peu embarrassée. Ce silence a assez duré. Deux ans après ce sursaut, les pharmaciens se trouvent dans une double impasse, économique et professionnelle d’une part, humaine d’autre part.
Économique, tout d’abord : la profession ne veut pas bénéficier des largesses de l’Assurance maladie mais tout simplement d’un traitement équitable. Nous consentons à prendre notre part à la sauvegarde de la Sécu mais certainement pas à supporter celle des autres.
« L’inaction n’est
pas une option.
Ce n’est plus une
question de principe
mais de survie. »
Avec les baisses de prix non compensées, les quatre premiers mois de l’année rendent insupportable la situation pour nos confrères. D’autant que cette dégradation se passe dans l’indifférence la plus totale du gouvernement, qui nous oppose un mutisme de plus en plus coupable, malgré nos avertissements. À présent, l’inaction n’est pas une option. Ce n’est plus une question de principe mais de survie. Par ailleurs, il y a aujourd’hui un consensus autour des honoraires et sur la nécessité de les faire évoluer. Ce sont des syndicats unis dans cette optique qui s’assiéront à la table de l’Assurance maladie début 2017… mais nous ne le ferons pas sans de solides garanties de la part du ministère de la Santé. Une convention sans moyens financiers serait une convention vide de sens.
J’évoquais plus haut une impasse humaine : elle concerne la génération montante. C’est notre grande préoccupation : à trop dévaloriser l’officine, notre tutelle a créé un trou d’air dans les vocations. Il y a actuellement deux fois moins d’étudiants désireux d’embrasser une carrière officinale qu’il y a dix ans. Au moment où les médecins quittent ce que les technocrates appellent des « zones sous-denses » pour ne choquer personne – mais que les patients connaissent sous le nom de « déserts » –, tout le monde s’offusquera de la disparition de la pharmacie qui aurait pu y rendre tant de services. Disons-le solennellement dès maintenant à nos gouvernants, et en particulier à notre ministre de tutelle, Marisol Touraine : plus tard, il sera trop tard !