Comme prévu, le rapporteur général du texte sur la loi de santé, le député Thomas Mesnier (Charente, LREM,) a présenté le 13 mars, en commission des Affaires sociales, un amendement « inspiré du système suisse netCare, ainsi que [des] expériences québécoise et écossaise, permettant aux pharmaciens de dispenser des produits de santé de premier recours pour des situations simples en suivant des arbres de décision ». S'inscrivant dans le cadre de l'exercice coordonné, le texte, qui a été adopté en commission, a pour objectif d'autoriser les pharmaciens d'officine à « délivrer certains médicaments, selon des protocoles établis par la HAS [Haute Autorité de santé, NDLR] » pour le traitement de pathologies bénignes telles que les « cystites aiguës ou certaines angines ». Après qu'un amendement similaire a essuyé un rejet lors des discussions sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2019 et qu'une proposition de loi aux desseins identiques du député Guillaume Garot (PS, Mayenne) a subi le même sort fin janvier 2019, cette troisième salve réussira-t-elle à convaincre la majorité des députés de l'Hémicycle ? S'il est aujourd'hui difficile de présumer de l'issue de ce vote, il est désormais très probable que la mesure ne sera pas défendue par la ministre de la Santé.
Pas de vagues
Bien que persuadée qu'il est « très important que l'on avance sur ce sujet, soit par le biais d'une expérimentation [...], soit [en travaillant] aujourd'hui avec les professions médicales pour aboutir à une forme d'accord », Agnès Buzyn a clairement exprimé sa « réserve sur la méthode » devant les députés de la commission des Affaires sociales. Elle ne fait d'ailleurs pas mystère de sa crainte principale : alors que « les médecins sont opposés à cette mesure, nous prenons [le] risque de faire capoter les négociations conventionnelles » actuellement en cours. Défendue à la fois par les syndicats, l'Ordre des pharmaciens et l'Association nationale des étudiants en pharmacie de France (Anepf), ce qui pourrait devenir une nouvelle mission est donc considéré par la ministre, pourtant favorable sur le fond, comme un chiffon rouge pour les médecins. Celle-ci a d'ailleurs précisé souhaiter « que l'on utilise la semaine qui vient [celle du 18 mars, NDLR] pour continuer à travailler avec les syndicats de médecins pour essayer de trouver une voie de sortie par le haut sur cette question de la dispensation anticipée chez un pharmacien », qu'elle considère bien comme « une mesure nécessaire ». Si Agnès Buzyn semble convaincue du bien-fondé de la mesure, contourner le lobby médical ne sera pas une mince affaire.