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Le « premier prix », pas à tout prix

Laissant miroiter un gain de marge, les produits « premier prix » d’OTC et de parapharmacie paraissent forcément alléchants. Les intégrer à sa politique de référencement ne va pourtant pas de soi.

Par Claire Grevot

Les gammes « pre­mier prix » se mul­ti­plient en of­fi­cine. Ce terme re­couvre deux types de pro­duits : les low cost (bas prix) et les marques de dis­tri­bu­teurs (MDD). Les pre­miers im­pliquent une adé­qua­tion entre prix et vo­lumes pour pou­voir dé­ga­ger de la marge. « Ce peut être par exemple le “Top 10” des pro­duits les plus ven­dus en OTC », si­gnale Mary Henry, di­rec­trice du MBA Ma­na­ge­ment de l’of­fi­cine à l’École de ma­na­ge­ment de Stras­bourg. Les MDD concernent, quant à elles, des pro­duits à faible coût, n’ayant pas de va­leur ajou­tée éle­vée (comme l’hy­giène et le soin en pa­ra­phar­ma­cie) ou, au contraire, à forte va­leur ajou­tée (com­plé­ments ali­men­taires…). Dé­ve­lop­pées par les grou­pe­ments ou les gros­sistes-ré­par­ti­teurs, elles per­mettent de dé­ga­ger une marge plus im­por­tante sur vos rayons d’OTC et de pa­ra­phar­ma­cie. Low cost ou MDD, ces pro­duits « pre­mier prix » re­pré­sentent, se­lon l’ex­pres­sion de Mary Henry, « un vé­ri­table “bou­clier pro­tec­teur” face à la concur­rence de la grande et moyenne dis­tri­bu­tion (GMS) » en « ré­pon­dant à l’at­tente du client tout en pré­ser­vant sa marge ». À une condi­tion : les in­té­grer dans une stra­té­gie d’achat et de po­li­tique de prix af­fi­née. Il en va éga­le­ment de sa cré­di­bi­lité vis-à-vis de la clien­tèle, en tant que pro­fes­sion­nel de santé. S’il est « im­por­tant de don­ner le choix entre marque et pro­duit “gé­né­rique” dans le contexte éco­no­mique ac­tuel », té­moigne An­drée Ivaldi, une ti­tu­laire pa­ri­sienne, l’im­pé­ra­tif de qua­lité doit aussi être res­pecté.

Si votre of­fi­cine pos­sède un bon po­ten­tiel de vente en pa­ra­phar­ma­cie et pra­tique déjà des prix at­trac­tifs sur les ré­fé­rences connues de votre clien­tèle, alors « les ré­fé­rences “pre­mier prix”, sou­vent po­si­tion­nées à des prix un peu plus bas mais ré­pon­dant aux mêmes be­soins, tou­che­ront une clien­tèle plus large qui fré­quente plu­tôt le cir­cuit de la GMS », in­dique Joëlle Her­mouet, consul­tante et for­ma­trice en mer­chan­di­sing.

Sa­vant do­sage

Pour au­tant, les marques lea­ders doivent conti­nuer à être ré­fé­ren­cées : « La clien­tèle reste sou­vent fi­dèle au pro­duit qu’elle connaît bien si le prix pro­posé est at­trac­tif. » Car si les pro­duits à forte no­to­riété af­fichent des prix éle­vés, la clien­tèle se tour­nera vers les ré­fé­rences « pre­mier prix » de votre of­fi­cine ou, pire, « vers une autre of­fi­cine qui pro­pose les pro­duits qu’elle a l’ha­bi­tude d’ache­ter à des prix plus at­trac­tifs ! » En cas de « dif­fi­cul­tés pour faire tour­ner les deux types de gammes en pa­ral­lèle », Joëlle Her­mouet re­com­mande de « dé­ve­lop­per une offre unique sur les pro­duits plus gé­né­riques où la marque a moins d’im­pact à condi­tion que la qua­lité des pro­duits soit sa­tis­fai­sante (com­presses…). L’of­fi­cine peut ainsi amé­lio­rer sa ren­ta­bi­lité sur ces pro­duits à chiffre d’af­faires im­por­tant. »

Si vous ne pou­vez pas pro­po­ser une offre large de pa­ra­phar­ma­cie parce que, par exemple, vous ne sou­hai­tez pas ré­fé­ren­cer les grandes gammes lea­ders qui im­mo­bi­li­se­raient un stock que vous ne se­riez pas sûr de pou­voir faire tour­ner, « les “pre­miers prix” peuvent être une bonne al­ter­na­tive pour sa­tis­faire la clien­tèle fi­dèle qui n’a de ce fait pas be­soin d’al­ler ailleurs pour ses achats ré­gu­liers de pro­duits d’hy­giène, par exemple. C’est d’au­tant plus vrai en mi­lieu ru­ral où les com­merces de proxi­mité ne sont pas tou­jours pré­sents et où l’of­fi­cine doit cou­vrir des be­soins as­sez va­riés ». Une fois ces gammes im­plan­tées, Joëlle Her­mouet aver­tit du risque de can­ni­ba­lisme entre « pre­mier prix » et lea­ders ; elle pousse à « ana­ly­ser les ré­sul­tats à court et moyen terme et à sa­voir prendre des dé­ci­sions si cette nou­velle offre “pre­mier prix” n’est pas suf­fi­sam­ment per­for­mante alors qu’elle im­mo­bi­lise une place qui pour­rait ser­vir à dé­ve­lop­per une autre ca­té­go­rie de pro­duits ou à élar­gir le fa­cing de gammes sous-ex­po­sées et plus per­for­mantes ».

Marge ga­gnante

In fine, « les taux de marque sur les MDD peuvent, se­lon leur ca­té­go­rie, dé­pas­ser les 40 %, tout en pra­ti­quant des prix 20 à 30 % in­fé­rieurs à ceux des grands lea­ders. Mais la marge ne sera consé­quente en va­leur que si les pro­duits se vendent. Il faut donc ana­ly­ser les ro­ta­tions et le ré­sul­tat en va­leur pour bien faire co­ha­bi­ter les deux types de gammes », rap­porte Joëlle Her­mouet. « Sur les low cost, la marge faible sera com­pen­sée par les vo­lumes, mais seule­ment sur des pro­duits d’ap­pel, ajoute Ma­rie Henry, à l’ins­tar des sec­teurs où les marques sont moins pré­sentes (com­presses, ther­mo­mètres…) mais dont la va­leur est im­por­tante. Le phar­ma­cien peut aussi ré­cu­pé­rer de la marge sur d’autres gammes, à va­leur ajou­tée par exemple, où le conseil va être va­lo­risé et le client moins sen­sible au prix. » Entre autres avan­tages, les MDD per­mettent éga­le­ment au phar­ma­cien de fi­dé­li­ser ses clients avec une offre ex­clu­sive, mais aussi de conqué­rir une nou­velle clien­tèle, sous ré­serve d’être de bonne qua­lité. Cer­tains pro­fils de MDD peuvent en ef­fet avoir plus de dif­fi­cul­tés que la marque lea­der à s’im­po­ser, comme les soins pour bébé ; dans ce cas, les pa­rents por­te­ront une at­ten­tion par­ti­cu­lière à la qua­lité des pro­duits. « En pro­po­sant une offre très at­trac­tive, on élar­git sou­vent la clien­tèle qui n’au­rait pas acheté ces pro­duits en phar­ma­cie et on gagne aussi un peu de parts de mar­ché sur les lea­ders », com­mente Joëlle Her­mouet.

Avec en­ga­ge­ment

Qua­lité et at­trac­ti­vité… La mise en place et la com­mu­ni­ca­tion dé­ve­lop­pe­ront et en­tre­tien­dront cette image (voir « Quelques conseils pra­tiques », ci-des­sous), un souci d’ailleurs par­tagé par les dis­tri­bu­teurs eux-mêmes. Ainsi, Phar­mac­tiv, Al­phega, Né­pen­thès, PHR et les autres ac­com­pagnent leurs adhé­rents ou clients via de nom­breux ou­tils de mer­chan­di­sing : lea­flets, fiches pro­duits, pré­sen­toirs, créa­tion d’es­paces ré­ser­vés… Cer­tains pro­posent même des for­ma­tions, sur le pro­duit ou les tech­niques de vente, d’autres com­mu­niquent au ni­veau na­tio­nal sur leurs gammes et mettent en place des sys­tèmes de bo­nus ou de re­mises se­lon les ventes af­fi­chées par l’of­fi­cine. Mais pas tou­jours sans contre­par­tie. Les phar­ma­cies in­té­grées au ré­seau d’en­seigne Né­pen­thès doivent par exemple s’en­ga­ger sur un mi­ni­mum de six es­paces consa­crés à la marque, celles sous en­seigne PHR sont obli­gées de ré­fé­ren­cer les gammes du groupe. De la vi­gi­lance du ti­tu­laire dé­pend donc la pé­ren­nité de la stra­té­gie du « pre­mier prix ». Comme le ré­sume Joëlle Her­mouet, l’offre s’ins­crit dans la du­rée « pour des pro­duits ba­siques, d’usage fré­quent, si la qua­lité est sa­tis­fai­sante tout en pro­po­sant des prix at­trac­tifs per­met­tant de dé­ga­ger une marge su­pé­rieure, com­pa­rée à celle des pro­duits des grandes marques lea­ders ». Et de pré­ci­ser que « l’écart de prix doit être de plus de 20 % à qua­lité équi­va­lente pour in­ci­ter le consom­ma­teur à mo­di­fier ses ha­bi­tudes d’achat ». À bon en­ten­deur… 

quelques conseils pratiques

  • Attention au packaging des produits proposés ! Il doit rester attractif pour ne pas dévaloriser l’image qualitative de la pharmacie.
  • L’organisation d’animations ponctuelles permettra de communiquer de façon efficace pour faire découvrir cette offre à prix attractifs. « Réalisées sur des brosses à dents, autotensiomètres, thermomètres, par exemple, ces opérations promotionnelles donnent souvent de très bons résultats, si les produits proposés sont de bonne qualité », fait savoir Joëlle Hermouet, consultante et formatrice en merchandising.
  • Ne pas regrouper tous les produits « premier prix » mais les intégrer au sein du rayon de leur catégorie : une offre de shampooings dans le rayon des produits capillaires, une offre de gels douche avec les produits de toilette, etc.
  • Le facing doit être suffisamment large pour rassurer le client et le mettre en confiance.

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