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« Rendez-nous notre Synthol ! »

Depuis la disparition du Synthol, la colère des consommateurs est si grande qu’une « syntholmania » est née. Mais pas sûr que leur produit fétiche revienne un jour.

Par Élise Brunet

L’un des produits de la gamme Synthol aujourd’hui disparu des rayons officinaux.

Im­pos­sible ou presque de dé­ni­cher une bou­teille de Syn­thol de­puis l’été 2014 dans les of­fi­cines de France et de Na­varre. La fa­bri­ca­tion a car­ré­ment été sus­pen­due le 14 jan­vier der­nier, ainsi que celle de la forme gel. La cause évo­quée par le la­bo­ra­toire com­mer­cia­li­sant ce pro­duit, GSK Santé Grand Pu­blic, est « un pro­blème d’ap­pro­vi­sion­ne­ment de l’un des prin­cipes ac­tifs de cette spé­cia­lité ». La ré­ponse ne va­rie pas de­puis plu­sieurs mois, sans plus de dé­tails pour le phar­ma­cien, pour­tant en pre­mière ligne.

Fa­bri­ca­tion en cause

Les consom­ma­teurs en­ragent. Et fi­nissent par dou­ter de la pa­role des of­fi­ci­naux et du la­bo­ra­toire GSK. « Quelle ar­naque y a-t-il en­core là-des­sous ? » peut-on lire sur les fo­rums, ou en­core : « C’est une voyou­cra­tie. » Pro­po­si­tion de pé­ti­tions, de cour­riers au mi­nis­tère de la Santé pour re­trou­ver le plus ra­pi­de­ment pos­sible ce « mé­di­ca­ment de santé pu­blique », lettres au fa­bri­cant Far­ma­clair… Une page Fa­ce­book de sou­tien au re­tour du Syn­thol a même été ou­verte. Tous ré­clament le « droit à l’in­for­ma­tion ». Et, ef­fec­ti­ve­ment, l’ex­pli­ca­tion don­née par les in­dus­triels reste éva­sive. Pour­quoi tant de mys­tère sur le fa­meux in­gré­dient man­quant ? Se­lon le la­bo­ra­toire GSK, « une pro­cé­dure est en cours avec l’Agence na­tio­nale de sé­cu­rité du mé­di­ca­ment et des pro­duits de santé (ANSM), car les cri­tères de fa­bri­ca­tion ne sont pas sa­tis­fai­sants. Il ne s’agit pas d’un pro­blème de sé­cu­rité ou d’in­no­cuité du pro­duit, mais bien d’un pro­blème de fa­bri­ca­tion. Nous avons un souci de ma­tière pre­mière. La qua­lité phar­ma­ceu­tique des mo­lé­cules chi­miques n’est pas simple à ob­te­nir. Une dis­cus­sion a lieu entre l’ANSM et le fa­bri­cant Far­ma­clair sur un des prin­cipes ac­tifs. Tant que ce dos­sier ne sera pas ré­glé avec l’Agence, les in­for­ma­tions res­te­ront confi­den­tielles ». In­ter­ro­gée, l’ANSM « n’a pas de ré­ponse à ce stade en in­terne. Si ins­pec­tion du fa­bri­cant il y a eu, il est pos­sible que l’on se trouve dans la pé­riode contra­dic­toire ». On sait alors pour­quoi… on ne sait pas grand-chose.

Cherche rem­pla­çant

Les ru­meurs vont donc bon train. Le Syn­thol a même été soup­çonné d’être au cœur d’un tra­fic chez les bo­dy­buil­ders (voir en­ca­dré ci-des­sous). En outre, le fait que le pro­duit n’a plus d’in­di­ca­tions buc­cales de­puis 2012 in­quiète. Mais, sur ce point, le la­bo­ra­toire ras­sure : si Syn­thol n’est plus re­com­mandé en bain de bouche, c’est parce qu’il contient en­core de l’al­cool, contrai­re­ment aux autres spé­cia­li­tés com­mer­cia­li­sées par GSK pour cet usage…

« Une pro­cé­dure est en cours avec l’ANSM. » La­bo­ra­toire GSK Santé Grand Pu­blic

Les consom­ma­teurs es­pèrent l’ar­ri­vée pro­chaine d’un gé­né­rique ou en­core d’un « la­bo­ra­toire in­dé­pen­dant pour re­prendre la pro­duc­tion ». Ils ont même émis une autre so­lu­tion : ap­por­ter la for­mule au phar­ma­cien le plus proche afin que ce der­nier fa­brique di­rec­te­ment la po­tion ma­gique. Le la­bo­ra­toire GSK ne s’in­quiète pas de ces de­mandes : « Les la­bo­ra­toires concur­rents éven­tuels ou les phar­ma­ciens d’of­fi­cine ren­con­tre­ront le même pro­blème d’ap­pro­vi­sion­ne­ment en prin­cipes ac­tifs. » Et à la ques­tion : « Sa­vez-vous quand Syn­thol sera à nou­veau dans les rayon­nages ? », GSK ré­pond : « Nous ne maî­tri­sons pas et n’avons ab­so­lu­ment au­cune vi­si­bi­lité. Il ne re­vien­dra peut-être ja­mais ». Il va fal­loir s'ar­mer de pa­tience… 

Gonflette au synthol

Et si la rupture de Synthol s’expliquait par un mésusage répandu chez les bodybuilders ? C’est heureusement faux. S’injecter du Synthol en intramusculaire pour créer l’illusion d’un muscle bien développé : cette pratique, le « fluffing » (de l’anglais fluff : gonfler), est certes connue dans le milieu culturiste, mais l’injection se fait en réalité avec une préparation « maison », généralement composée de 85 % d’huile, de 7,5 % d’alcool benzylique et de 7,5 % de lidocaïne. Cette formule, que l’on peut d’ailleurs trouver sur la célèbre base de données médicales Pubmed, est bien loin de celle de notre bon vieux Synthol des familles.

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