Voilà une proposition qui, si elle est suivie d'effets, risque de raviver les tensions entre pharmaciens et grande distribution. Et il ne s'agit pas, pour une fois, d'OTC dans les rayons des supermarchés. Alors qu'il entendait le 15 mai les représentants de l'Ordre des pharmaciens et de sa section C (distribution) ainsi que des deux syndicats de la profession, le président de la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur l'affaire Lactalis, le député Christian Hutin (Nouvelle Gauche), a évoqué la possibilité de faire revenir les laits premier âge dans le monopole officinal et sous le statut de médicament pour éviter que ne se reproduisent les importants flottements constatés lors du retrait des lots incriminés.
L'atout du DP-Rappel
Médecin de profession, Christian Hutin a quelque peu surpris son auditoire lorsqu'il lui a demandé son « sentiment » quant à l'éventualité de « proposer, dans le cadre de la nouvelle loi sur l'alimentation [dite Égalim, elle devrait passer au vote à l'Assemblée nationale entre le 21 et le 27 mai prochain, NDLR], que les laits infantiles jusqu'à six mois puissent devenir des médicaments ». Confiant avoir lui-même « conseillé des laits » à des parents lors de ses consultations, parce qu'il les considère comme des produits de santé, il estime que l'efficacité du dispositif de retrait-rappel de médicaments en vigueur dans le circuit pharmaceutique est un atout en faveur d'une telle mesure.
Les pharmaciens sont prêts
Le rapporteur de la commission, le député Grégory Besson-Moreau (LREM), également en charge des « amendements Lactalis » dans le projet de loi sur l'alimentation, s'est montré lui aussi très intéressé par la possibilité de « retransférer aux pharmaciens la [vente exclusive] des laits de 0 à 6 mois ». Quant à son doute vis-à-vis de la faculté des officines à pouvoir gérer « 100 % de ce marché » étant donné « le nombre de références qui existent », il a été vite été levé par la présidente de l'Ordre, Carine Wolf-Thal, qui a assuré n'avoir « aucune crainte » sur la capacité des grossistes à alimenter les officines en boîtes de lait « dans un cadre normal et routinier ». Les consommateurs sachant que « la pharmacie reste très compétitive sur ces produits en termes de prix » vis-à-vis de la grande distribution, elle a ajouté qu'il était extrêmement fréquent que les pharmaciens de garde soient appelés en urgence la nuit ou le week-end pour fournir une boîte de lait à une famille.
Trente ans après
Cette mesure, si elle passait, ferait l'effet d'un coup de tonnerre. La grande distribution est en effet autorisée à vendre tous types de laits infantiles, à l'exception de ceux destinés aux enfants présentant des troubles métaboliques, nutritionnels ou souffrant d'allergies, depuis l'arrêté Neiertz du 9 juin 1988. S'il avoue donc que « c'est une possibilité à laquelle réfléchit cette commission », Christian Hutin a toutefois précisé qu' il serait « indispensable » d'encadrer les prix de ces produits. Les pharmaciens ne demandent pas mieux.