C’est un résultat de sondage qui devrait mettre du baume au cœur des pharmaciens en ces temps de crise : seuls 9 % des Français désignent la grande distribution comme acteur de confiance pour vendre des masques, tandis que 82 % accordent ce statut aux pharmacies (sondage Ifop pour Pharmabest, réalisé les 28 et 29 avril 2020). Et pourtant, c’est bien en grandes et moyennes surfaces (GMS) que le grand public peut, depuis ce lundi 4 mai, se procurer des masques chirurgicaux jetables, à la stupeur mêlée de colère des professionnels de santé.
« Consternation et dégoût »
Alors que la pénurie demeure palpable dans les officines devant dispatcher les masques médicaux provenant du stock de l’État aux soignants, et tandis qu’il n’est toujours pas possible de les fournir aux malades même sur prescription, les grands patrons de la GMS se sont succédé aux micros des principaux médias en fin de semaine dernière pour annoncer qui 100 millions, qui 175 millions de masques chirurgicaux très prochainement disponibles dans leurs enseignes respectives. Et certains de proposer à leurs clients munis d’une carte de fidélité la réservation d’une boîte de ces précieuses protections. Les réactions des professionnels de santé à ces annonces ont été épidermiques. Les Ordres des médecins, pharmaciens, sages-femmes, infirmiers, chirurgiens-dentistes (qui s'est depuis désisté au grand dam de nombreux chirurgiens-dentistes), masseurs-kinésithérapeutes et pédicures-podologues se sont unis, chose rarissime, pour dénoncer d’une seule voix leur « consternation s’alliant au dégoût » devant une « surenchère de l’indécence ».
Réquisition à venir ?
Le 30 avril, Philippe Besset, président de la FSPF est allé plus loin, en demandant au ministre de la Santé, dans une lettre ouverte, la réquisition des stocks détenus par les grandes enseignes, « afin que ces masques soient remis prioritairement aux populations en ayant le plus besoin ». Pour le président de la FSPF, « ces masques doivent avant tout servir à protéger les populations et non à assurer la promotion d’enseignes de la grande distribution ». Lors d’un point presse à l’Élysée le samedi 2 mai, Olivier Véran lui a répondu en précisant que si la France se trouvait à manquer de masques à destination des soignants et des personnes malades ou vulnérables, l'exécutif aurait bien recours à la réquisition. En parallèle, dans une interview parue dans Le Parisien le même jour, le ministre annonçait « 100 millions de masques chirurgicaux et FFP2 par semaine pour permettre à tous les professionnels de santé de reprendre une activité normale. Médecins, sages-femmes, dentistes, pharmaciens, infirmiers, kinés, orthophonistes, podologues, orthoptistes, etc. ». Plus précisément, « certaines professions, qui ne peuvent travailler sans, comme les dentistes, auront des masques FFP2. Pour les médecins, pharmaciens et infirmiers, ça sera 3 à 4 masques chirurgicaux ou FFP2 par jour ».
Un combat à poursuivre
Si cette annonce vise à rassurer les professionnels de santé devant reprendre leur activité, elle reste muette sur le cas des patients fragiles ayant urgemment besoin d’une protection en vue du déconfinement. Et sur ce point particulier, l’inquiétude des pharmaciens est partagée par de nombreuses personnalités dont Axel Kahn, président de la Ligue contre le cancer : « Les personnes souffrant d'affections de longue durée, notamment les malades du cancer, auraient dû faire l'objet de dispositions particulières vis-à-vis de l'épidémie », estime-t-il. « Leur fournir [un masque] gratuitement, comme les autres soins, est une totale nécessité. C'est une évidence morale et sanitaire. » Le combat n’est pas fini.