Le tribunal administratif de Caen, dans une décision rendue mi-avril, a annulé la mise en demeure de l'agence régionale de santé (ARS) de Basse-Normandie qui l'enjoignait en novembre 2014 à régulariser, dans un délai de neuf mois, les conditions de stockage des médicaments destinés à être vendus en ligne. Petit rappel : Philippe Lailler s'est lancé dans l'e-commerce de médicaments en 2012. Faute de place, il a décidé de stocker les produits destinés à la vente en ligne dans un entrepôt situé à 3,6 km de son officine caennaise. La préparation des colis, en revanche, se déroulait à l'officine, d'où ils étaient ensuite expédiés. Une procédure contestée par l'ARS, sur la base de l'arrêté de bonnes pratiques – entre-temps annulé sur décision du Conseil d'État suite à une plainte du même Philippe Lailler – et d'un article du Code de la santé publique selon lequel les lieux de stockage de l'officine doivent se trouver à sa proximité immédiate.
« C'est la première décision en ce sens », indique Me Virgine Apéry-Chauvin, avocat de Philippe Lailler. « Le tribunal aurait pu se limiter à statuer sur la forme mais il est allé au fond. La décision est bien motivée en droit et va dans le sens du droit européen », argumente l’avocat.
À quand les bonnes pratiques ?
Solidaire de l'ARS, la FSPF vient de l'inviter à faire appel du jugement du tribunal en Conseil d'État, inquiète à l'idée que « le commerce électronique de médicaments ne soit le prétexte à une remise en question des règles d'installation des pharmacies d'officine ». Selon Philippe Besset, vice-président du syndicat, le problème du stockage et de la logistique liés à la vente en ligne est déjà débattu dans le cadre des négociations sur le nouvel arrêté de bonnes pratiques. « Une piste serait que les stocks et la logistique déportés soient soumis à la même réglementation que celle des grossistes-répartiteurs et des centrales d'achat. » Il qualifie également d'« étrange» la décision du tribunal administratif. « En général, il y a le droit, on le respecte, puis on le fait évoluer mais on ne commence pas par l'enfreindre pour dire ensuite qu'il est obsolète ! »
Conforme à la santé publique
« Nous ne nous sommes pas battus sur la notion de "proximité immédiate", trop subjective, d'autant que l'ARS invoquait plusieurs décisions de l'Ordre des pharmaciens interprétant cette notion, précise Me Apéry-Chauvin. Nous avons préféré nous baser sur la directive européenne de 2011 qui prévoit que les États membres veillent à ce que les médicaments soient vendus en ligne. Ils peuvent prévoir des restrictions mais elles doivent être justifiées par des raisons de santé publique. Or, l'ARS l'a reconnu, rien dans les conditions de stockage du dépôt de Philippe Lailler n'était contraire à la santé publique. » Cette dernière a deux mois pour faire appel de cette décision judiciaire et compte dévoiler ses intentions d'ici « 10 à 15 jours ».