S’il est un domaine, avec la mode, le vin et l’aéronautique, où le simple fait de venir de France est gage de prestige et de qualité, c’est bien la cosmétique. D’ailleurs, les termes « Paris » ou « France » accolés à une marque valent tous les labels et une étude Astérès de 2019 pour la Fédération des entreprises de la beauté (Febea) le prouve : « Le fait d’apposer la marque France sur un produit cosmétique permet d’augmenter en moyenne sa valeur de 30 % par rapport à un produit équivalent d’un autre pays. » L’aura de la cosmétique tricolore (leader mondial avec 23 % des parts de marché) ne date pas d’hier et rime avec histoire et terroirs. À la Renaissance, la vie à la cour se pique de cosmétiques et d’onguents et un solide tissu d’entreprises se crée bientôt autour de pôles comme la ville de Grasse et dans les régions que sont aujourd’hui l’Occitanie, l’Île-de-France et le Centre-Val de Loire rebaptisé « Cosmetic Valley ». Le thermalisme va de son côté précipiter le succès mondial de marques comme La Roche-Posay, Vichy ou Avène. Quant à Pierre Fabre, il illustre à la perfection le concept de rayonnement international issu d’un enracinement local. À l’origine, ce start-upper avant l’heure avait mis au point dans sa pharmacie de Castres un veinotonique à base d’extraits de racines d’un arbrisseau local, le petit houx. Aujourd’hui, 95 % de la production se réalise dans le Tarn, l’Hérault, le Gers, le Lot et le Loiret, avec plus des deux tiers exportés vers 116 pays.
Terroirs et même microterroirs
Les puristes du « made in France », loin de se limiter à la dernière « transformation substantielle » réalisée dans l’Hexagone, ont à cœur de sourcer un maximum d’ingrédients locaux. « S’approvisionner au plus près correspond à la logique actuelle pour épargner la planète », indique Mahault de Guibert, cofondatrice de La Rosée, dont les fournisseurs sont normands et ardéchois. Même priorisation « dès que c’est possible » chez Même ou chez Saeve, dont les cosmétiques « à base de sève de bouleau ou de champignon chaga bio du parc des Volcans d’Auvergne » ont été inspirés à Pauline Bony, la fondatrice, par « les cures de sève de bouleau que [sa] grand-mère faisait dans son jardin dans le Cantal ». Un storytelling ancestral dont sont friands les adeptes du local. Cet ancrage est revendiqué par certaines marques (de niche, notamment) jusque dans leurs noms. Les Laboratoires de Biarritz ont ainsi voulu « profiter des bienfaits inépuisables de l’océan et particulièrement d’une algue rouge spécifique de la côte basque, Gelidium sesquipedale, contenant un actif breveté antioxydant », explique Agnès Castelli, responsable communication et formation. « On ne pêche jamais cette algue pour ne pas l’épuiser, on attend l’automne pour la récolter sur les plages. » Résultat : la marque bio a conquis 2 500 officines françaises quand « environ la moitié de la production est pour l’export ». Aux Laboratoires du Cap-Ferret, on est aussi 100 % « made in France ». « De la conception au conditionnement en passant par les étiquettes et les boîtes, nous privilégions toujours un sourcing local comme pour nos actifs, avec par exemple l’oyat, cette herbe des dunes dont les rhizomes sont extrêmement riches en antioxydants, ou la poudre de coquilles d’huîtres pour nos gommages », explique François Mignol, créateur et dirigeant de la marque dont tous les produits, certifiés Ecocert et Cosmébio, intègrent 98 à 100 % d’ingrédients naturels.
Local is the new bio !
« Le “made in France” est devenu un argument marketing, comme le bio auquel il est fortement lié », analyse Luc Besançon de NèreS (voir encadré ci-dessous). En effet, la soif de « made in France » et de local va souvent de pair avec l’envie de plus d’écologie : c’est la cerise frenchy sur le gâteau bio. Chez le pionnier Ballot-Flurin, créé en 1970, les apicosmétiques sont produits « dans une usine lieu de vie au coeur des Hautes-Pyrénées, avec un jardin en biodynamie où poussent des plantes mellifères. Le réflexe est toujours le plus local possible », détaille Sophie Dupont, naturopathe et commerciale. Une tendance qu’a également bien saisie Krème, un nouvel entrant bio, dont les actifs végétaux viennent de Bretagne ou de Corrèze notamment. Patyka, incontournable du bio élégant, source 50 % de ses actifs en France, dont la rose de Damas d’Auvergne-Rhône-Alpes et l’acide hyaluronique de blé du Grand Est. Elle cible même des actions écolo locales : « Nous avons des partenariats avec Reforest’Action pour reboiser deux zones, le bois de la Meilleraye en Nouvelle-Aquitaine, avec l’objectif de planter 20 000 arbres d’ici à 2025, et une forêt Patyka dans le Grand Est », note Sophie Giran d’Audiffret, directrice du développement des produits. Même objectif de reboisement pour Avril qui en a fait l’un de ses engagements prioritaires.
Contention et orthopédie aussi
L’orthopédie n’est pas en reste ! Epitact utilise des tissus ardéchois pour fabriquer ses orthèses à Loriol-sur-Drôme. « Comme certaines coutures spécifiques sont faites à la main en Tunisie, nous demandons aux douanes une information pour chaque produit avant d’indiquer, ou non, “made in France”. En fonction du code douanier – textile ou orthopédie – cela peut varier », explique Solène Grivolat, directrice marketing en ventes chez Millet Innovation. Au rayon contention, Innothera revendique une production 100 % française, et Muriel Last, directrice marketing et innovation de Sigvaris, affirme que « la totalité des collants, bas et chaussettes de contention est conçue et tricotée dans les deux sites de la Loire », notamment leurs fameuses chaussettes de compression style marinière. La tendance est clairement porteuse !