Pour conserver l’efficacité d’un vaccin, il faut le garder au froid. Mais ça, c’était avant. Avant qu’une équipe de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, en collaboration avec des scientifiques de Milan, Turin, Leiden et de l’Oregon, réussisse à conserver intacte la virulence d’adénovirus – des vecteurs utilisés dans les vaccins vivants – jusqu’à 70 jours à température ambiante, grâce à des procédés simples et peu coûteux. Trois exactement : des nanoparticules, des polymères et du saccharose. Ces travaux ont été publiés dans la revue Nature Communications fin 2016. « Ces techniques sont en fait déjà utilisées pour conserver des vaccins atténués ou lyophilisés », module Jean-Loup Lemesre, immunologiste à l’Institut de recherche pour le développement (IRD), qui n’a pas participé à cette étude. « Avec les nanoparticules chargées négativement, on impose une pression osmotique au vaccin, ce qui l’empêche de se dégrader, explique le chercheur. Les vaccins sont en effet naturellement chargés négativement et se dégradent s’ils perdent cette caractéristique. « Les polymères fonctionnent différemment, poursuit-il. Ils entourent le virus et l’immobilisent, ce qui le stabilise dans le temps. » Quant au sucre, il rend l’environnement visqueux, ralentit les virus contenus dans les vaccins et leur dégradation. L’environnement sucré empêche également les interactions avec des bactéries extérieures et avec l’eau. Un bon vieux sirop, en somme.
Sécurité supplémentaire
Mais essayer ces procédés sur un vaccin vivant est une première. Pour Jean-Loup Lemesre, cela ouvre de nouvelles perspectives : « Les techniques utilisées sont vraiment simples. Les recherches vont donc pouvoir s’améliorer et détecter des processus plus efficaces qui augmenteront encore la durée de vie des vaccins. »
Pour l’instant, les chercheurs associés à l’étude ont pu préserver les propriétés des vaccins entre 20 et 70 jours selon la méthode utilisée, avec un bon point pour le saccharose, technique qui s’est montrée ici la plus efficace. Leur but : faciliter la vaccination dans les pays tropicaux (voir encadré ci-dessous).
Mais plus des trois quarts des produits stockés dans vos réfrigérateurs étant des vaccins… serait-il possible de retrouver ces technologies en pharmacie ? « Certainement pas !, répond sans hésiter Philippe Nicolas, pharmacien à la Coopérative d’exploitation et de répartition pharmaceutique (Cerp) Bretagne-Atlantique. Le délai de un ou deux mois à température ambiante est intéressant, mais il est loin d’être comparable aux dizaines de mois de conservation apportés par une chaîne du froid déjà établie. » Pas de quoi enterrer la publication de Nature Communications pour autant : « Ces additifs peuvent tout de même s'avérer utiles en fin de parcours, tempère le titulaire, entre le moment où le client achète le vaccin au pharmacien et celui où le médecin pratique l’injection. Ajouter une sécurité durant cette période ne serait pas du luxe. » L’innovation est à la porte du frigo !